MUSULMANS DE FRANCE par Gilles Couvreur Les éditions de l'Atelier 112p, 65f.
MIGRATIONS SOCIETE N°61 janvier-février 1999
Ce petit ouvrage, bourré de renseignements, est précieux pour celui qui veut,
rapidement, avoir une idée sur les musulmans de France. Les informations
judicieusement tirées des études de Michèle Tribalat et de sondages permettent
d'avoir une vue d'ensemble de la question : difficile dénombrement de qui est
musulman, nombre de mosquées (8 de plus de 1000 places) ou salles de prières, le
fait que désormais la moitié des musulmans de France sont français (et on
comprend mal alors qu'on puisse parler de biculturel, les juifs sont aussi
biculturels et les catholiques), mais seulement 4% d'imams français, recherche
dans l'islam d'une identité qui transcende les origines nationales qui
s'estompent, difficultés bien connues dans l'organisation des musulmans de
France...
L'auteur Gilles Couvreur, consulteur du Conseil Pontifical pour le
Dialogue interreligieux, a été animateur du Secrétariat pour les Relations avec
l'islam (SRI). Il est donc parfaitement informé des questions qui touchent à
l'islam et aux musulmans de France. On peut cependant regretter les "Limites
d'une parole amicale" qui est, en réalité, paternelle. D'où un certain nombre de
non-dits ou de glissements qui nuisent à la qualité de l'ouvrage.
Par souci
de ne pas heurter, par volonté de ne pas stigmatiser, de se désolidariser de
toute forme de rejet, l'auteur s'interdit une lecture critique d'une société
qu'il connaît parfaitement. Cela nuit à la connaissance de la diversité et des
perspectives de l'islam français. Dans cette diversité, rien n'est dit, par
exemple, des différences qui peuvent perdurer ou non entre l'islam noir et
l'islam maghrébin. Celui-ci est lui-même vécu différemment par les Arabes et les
Berbères (les Berbère algériens étant moins pratiquants que les Arabes qui les
sont moins que les Berbères marocains).
L'auteur n'échappe pas à quelques
raccourcis malheureux : 4 millions de "musulmans potentiels" deviennent, 4
millions de "pratiquants" (p73) alors qu'un sondage donne 27% de pratiquants en
1994 (p20) ou, suivant l'origine, 6 à 15% qui se déclarent "pas de religion"
(p22), les Maghrébins ne sont qu'arabes, les musulmans potentiels sont les
originaires des pays musulmans ! Alors que par ailleurs, il est signalé un
nombre de convertis à l'islam chiffré entre 10 et 100 000. Bien sûr, il n'est
fait aucun allusion aux conversions inverses. Que sont les 2% de personnes (ce
qui correspond à 80 000 personnes) qui, dans un sondage, se disent d'une "autre
religion" parmi les gens d'origine musulmane ? Sont-ils de convertis ?
Tout
ce qui touche à l'islamisme, au communautarisme est totalement occulté.
Pourtant, il serait intéressant de savoir l'importance de ces groupes, de leur
presse, des moyens de diffusion utilisés... Il n'en est question que pour
fustiger la paranoïa des uns ou des autres, les pays étrangers... Il n'en reste
pas moins que la situation sociale en France, l'influence de certains écoles, le
rejet, justement dénoncé, peuvent entraîner certains au delà des communautés
dont tout un chacun a besoin pour vivre dans le communatarisme, au delà de
l'islam tout aussi légitime que les autres religions dans l'islamisme.
Le problème existe, il est, finalement, bien posé dans la conclusion :
"Comment l'Eglise doit-elle se situer dans la variété des tendances musulmanes
présentes en France ? Y a-t-il un islam de sagesse et d'ouverture qu'elle
devrait épauler ? Y-a-t-il un islam plus fondamentaliste ou un islam militant
qu'elle devrait éviter ?" Ce n'est pas une question qui intéresse seulement
l'Eglise. mais toute la société française. A cette question, il n'y a pas une
réponse unique. Parce que la société française elle-même est diverse.
Seule
certitude, la société française est et sera aussi musulmane.
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