La citoyenneté n'a pas de définition juridique. Sauf la citoyenneté de l'Union européenne (UE). En effet, le traité de Maastricht en énonce clairement les critères d'attribution et les droits qui lui sont attachés.
Sur les quelques 380 millions d'habitants qui vivent dans les 15 pays de l'UE, 360 millions vivent dans l'Etat dont ils ont la nationalité jouissent donc des droits des nationaux, 5 millions ont la nationalité d'un Etat membre et vivent dans un autre Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité. Ce sont ces personnes qui sont le plus intéressées par la citoyenneté de l'UE. Tandis que15 millions de ressortissants des Etats tiers, en sont exclus.
De nombreux arguments avancés pour
s'opposer à la reconnaissance aux résidents étrangers du droit de vote aux
élections municipales sont devenus obsolètes depuis l'attribution du droit de
vote et d'éligibilité aux citoyens de l'UE pour les élections municipales et
européennes. Dans le Traité, il n'est pas question de durée de résidence, de
degré d'intégration… Curieusement,
Partant du principe que la participation aux élections municipales est un facteur d'intégration, plusieurs pays européens ont attribué ce droit à tous leurs résidents étrangers. Le précurseur est le canton de Neuchâtel en Suisse qui a accordé ce droit en 1849 à tous les étrangers, sans toutefois leur reconnaître l'éligibilité, et ceci bien avant de l'attribuer aux femmes ! Plus récemment, les cantons du Jura et de Vaud. D'autres (Appenzell Rhodes-Extérieures et les Grisons) ont décidé que les communes pouvaient décider elles mêmes de la faire. En Nouvelle Zélande, après un an de résidence, touts les étrangers ont le droit de vote pour toutes les élections, seuls les ressortissants de Commonwealth étant éligibles.
Parmi les 15 pays membres de l'UE, l'Irlande a été la première à faire le
pas en 1963, ne demandant que 6 mois de résidence pour pouvoir exercer ce
droit. De plus, les Britanniques, depûis1984, ont le droit de vote à toutes les
élections. En 1975,
Comme les autres pays
nordiques, en 1977, le Danemark a
d'abord attribué le droit de vote et d'éligibilité pour les élections
municipales et de comté aux seuls ressortissants nordiques (Finlandais,
Islandais, Norvégiens, Suédois) et à partir du 30 mars 1981 à tous les
étrangers quelle que soit leur nationalité après 3 ans de résidence.
Aux Pays-Bas
en 1985, après les pays nordiques,
le droit de vote était accordé aux ressortissants étrangers vivant sur leur
territoire, sans distinction de nationalité. Pour cela, les Pays-Bas ont aussi
dû modifier leur Constitution. Cela s'est fait de façon consensuelle, droite et
gauche confondues.
Au Royaume-Uni,
la loi de 1949 sur la représentation
du peuple accorde droit de vote et d’éligibilité pour les élections locales
mais aussi pour les législatives aux Irlandais et aux citoyens du Commonwealth,
sous condition d’une durée de résidence suffisamment longue, laissée à
l’appréciation du juge. L’article 79 de la loi du gouvernement local de 1972
accorde à ces mêmes citoyens résidant dans la circonscription depuis au moins
un an, le droit d’éligibilité. Par ailleurs, la loi sur la représentation du
peuple de 1983 empêchait la participation des autres étrangers. Mais ce n’était
qu’une loi ordinaire, le Royaume n'ayant pas de Constitution. L'attribution du
droit de vote et d’éligibilité aux ressortissants de l’UE s'est faite par voie
législative en
Le Luxembourg où le nombre de
résidents communautaires est particulièrement élevé - 32,3% de la population -
avait obtenu des conditions particulières pour l'application du traité de
Maastricht : "Si dans un Etat membre, à la date du 1er janvier 1993, la
proportion de citoyens de l'Union qui y résident sans en avoir la nationalité
et qui ont atteint l'âge de voter, dépasse 20% de l'ensemble des citoyens de
l'Union en âge de voter et qui y résident, cet Etat membre peut réserver...
a) le droit de vote aux électeurs communautaires qui
résident dans cet Etat membre pendant une période minimale qui ne peut dépasser
5 ans ;
b) le droit d'éligibilité aux
électeurs communautaires qui résident dans cet Etat membre pendant une période
minimale qui ne peut dépasser 10 ans." (Directive 93/109/CE du Conseil, du 6
décembre 1993, fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et
d'éligibilité aux élections au PE pour les citoyens de l'Union résidant dans un
Etat membre dont ils ne sont pas ressortissants. J.O. des Communautés
européennes L 329 du 30 décembre 1993).
Mais, la nouvelle loi
électorale de fin février
En Belgique, le débat est lancé depuis longtemps. En
1979, la déclaration gouvernementale prévoyait le droit de vote pour les
immigrés aux élections communales de 1982. Un vaste rassemblement
d'associations s'est mis en place, « Objectif 82 ». Mais le gouvernement tombe
avant d'avoir pu concrétiser la réforme. En 1992, c'est le traité de
Maastricht. La
mise en conformité du droit belge avec le traité de Maastricht a été l'occasion
de changements importants concernant citoyenneté et nationalité. Dans un
premier temps,
En Italie, le gouvernement, de droite, est
divisé : si le vice premier ministre Gianfranco Fini, par ailleurs premier
responsable du parti néo-fasciste italien est à l'origine de ce projet qui
prévoit de donner le droit de vote aux élections communales, provinciales et
régionales dans certaines conditions (revenus suffisants, engagement à respecter
la législation, durée de résidence;..), il rencontre la ferme opposition de
Umberto Bossi le puissant responsable de
Au Portugal peuvent voter et être élus les
nationaux des autres Etats membres de l'UE et, sous condition de réciprocité,
les nationaux des pays de langue officielle portugaise, ayant leur résidence
légale au Portugal depuis plus de 2 ans pour être électeurs et plus de 4 ans
pour être éligibles : nationaux du Brésil en 1971 et du Cap Vert en1997. Sous
condition de réciprocité, les nationaux d'autres pays peuvent être électeurs
après 3 ans de résidence légale et éligibles après 5 ans. C'est le cas pour les
nationaux d'Argentine, Estonie, Israël, Norvège, Pérou et Uruguay.
La constitution de l'Espagne permet aussi de
donner le droit de vote sous condition de réciprocité. Mais ce pays semble en
faire un usage très parcimonieux.
En Autriche, en
décembre 2002, la ville de Vienne a donné aux étrangers qui vivent en Autriche
depuis plus de 5 ans le droit de vote au niveau du district.
En Allemagne, la promesse des Verts et des Socio-démocrates faite sur cette question a été oubliée à
la suite d'une campagne d'opposition de
Restent
Parmi les dix nouveaux pays membres qui entreront
dans l'UE en 2004, au moins trois (Estonie depuis 1993, sans
éligibilité, Slovénie et Lituanie depuis 2002, avec éligibilité),
ont d'office étendu le droit de vote municipal ΰ tous les résidents
étrangers. Deux autres au moins (Tchéquie et Malte) ont adopté le
système hispano-portugais de réciprocité
En 1992, le Conseil de l'Europe a mis à la
signature
De quelques conséquences du traité de Maastricht
Hier, les Polonais, les Lituaniens… ressortissants d'Etats tiers n'avaient pas le droit de participer aux élections. Demain, leur pays ayant adhéré à l'UE, les voici citoyens de l'UE. Ils sont citoyens de l'UE parce que leur Etat a adhéré. Sont ils mieux intégrés ? Sont-ils plus méritants ? Ont-ils personnellement souscrit de nouveaux engagements ?
Dans un certain nombre de pays de l'UE, avant le traité de Maastricht, les résidents étrangers avaient obtenu le droit de vote et d'éligibilité quelle que soit leur nationalité dans les mêmes conditions. Le Traité a introduit des divisions. Désormais, les citoyens de l'UE ont ce droit "dans les mêmes conditions que les nationaux" tandis que des conditions particulières sont maintenues pour les ressortissants des Etats tiers (notamment durée de résidence). Et dans aucun pays, ils n'ont le droit de vote aux élections européennes. Sur le territoire de l'UE, 4 catégories de citoyens coexistent, soumis aux mêmes lois, aux mêmes obligations : les nationaux, les citoyens de l'UE, les ressortissants des Etats tiers résidant dans un pays qui leur reconnaît le droit de vote aux élections municipales ou locales et ceux qui vivent dans des Etats qui ne leur reconnaissent pas ces droits. Sans parler des sans papiers.
Attribuer la citoyenneté en fonction de la nationalité conduit à des incohérences. Deux frères, Ali et Umit, de nationalité turque, s'installent l'un en Belgique, l'autre en Allemagne et s'intègrent parfaitement dans leur pays de résidence. Au bout de 7 ans, Ali prend la nationalité belge, par simple déclaration. Umit reste turc, la législation sur la nationalité étant en Allemagne moins favorable. Mais il trouve un travail plus intéressant pour son frère Ali qui vient le rejoindre. Ali, Belge donc citoyen de l'UE, d'origine turque, peut participer immédiatement aux élections municipales et européennes. Il ne parle pas allemand, ne connaît rien à la situation politique en Allemagne. Son frère, Umit, pourra lui traduire les professions de foi, l'aider dans ses démarches, le conseiller, mais ne pourra voter !
Une objection demeure, la réciprocité.
Le traité de Maastricht, comme les
suivants, sont des traités de réciprocité. Les Allemands, les Italiens… peuvent
participer aux élections ici parce que les Français peuvent participer aux
élections en Allemagne, en Italie… Ce n'est pas le cas pour les ressortissants
des Etats tiers. Encore que personne ne s'est empressé de demander le droit de
vote aux élections municipales pour les Norvégiens alors que les Français
vivant en Norvège peuvent y participer, ni pour les Néo-Zélandais qui ont
accordé le droit de vote à tous les résidents pour toutes les élections. Au sein
de l'UE,
Mais la réciprocité n'est pas
nécessaire. Différents Etats européens l'ont prouvé en
attribuant le droit de vote et d'éligibilité à tous leurs résidents. Il en est
e même en France pour de nombreux droits qui sont reconnus à tous, sans tenir
compte de la nationalité. S'agissant de droits politiques, il est surprenant de
vouloir faire dépendre la qualité de la démocratie en France du régime des pays
d'où viennent les résidents alors que ceux ci ont quitté ces pays quelquefois
parce qu'ils ne sont pas démocratiques et après en avoir combattu les
dirigeants ! Avec lesquels
La citoyenneté ne peut être considérée comme une monnaie d'échange. Elle fait partie des droits de l'homme et à ce titre inaliénable. Les Etats luttent contre l'apatridie. Les Etats démocratiques devraient lutter contre la privation de citoyenneté dans leurs relations internationales mais aussi en donnant, en priorité, la citoyenneté aux personnes qui en sont privées par leur pays d'origine et qui vivent ici.
L'état des mœurs
Longtemps, certains politiques qui se disaient pour l'extension du droit de vote et d'éligibilité à tous les résidents pour les élections municipales ou locales prenaient prétexte de l'opinion publique pour remettre à plus tard cette réforme. C'est le cas de François Mitterrand qui parlait de l'état des mœurs.
Cette raison peut désormais
difficilement être invoquée. Depuis 1994, la "Lettre de
TABLEAU - Le droit de
vote des résidents étrangers non membres de l'UE aux élections municipales et européennes.
Evolution des résultats des sondages de 1994 à 2003. Sondages CSA/Lettre de
Année |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2001 |
2002 |
2003 |
Opposé |
63 |
66 |
69 |
53 |
51 |
45 |
57 |
40 |
38 |
Favorable |
32 |
30 |
28 |
39 |
44 |
52 |
40 |
54 |
57 |
Ce
résultat vient confirmer les sondages précédents qui permettent de constater
depuis 1996 une croissance régulière des réponses favorables à l'exception du
résultat de 2001 (57% opposés, 40%
favorables) résultat probablement à mettre en rapport avec les événements du 11
septembre, le sondage ayant été réalisé en novembre. Celui-ci montre une chute
des réponses favorables qui touche seulement les personnes qui se disent
proches de la gauche.
TABLEAU 2 - Le droit de
vote des résidents étrangers non membres de l'UE aux élections municipales et
européennes. Evolution des résultats des sondages de 1994 à 2003 en fonction de
l'orientation partisane. Sondages CSA/Lettre de
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2001 |
2002 |
2003 |
Proches de la Gauche |
48 |
41 |
42 |
58 |
56 |
66 |
42 |
66 |
71 |
Proches de la droite |
15 |
18 |
15 |
25 |
30 |
36 |
38 |
45 |
46 |
L'évolution de l'opinion des
sondés qui se disent proche de la droite est particulièrement remarquable. Le
pourcentage de réponses "favorable" augmente constamment : de 15% en 1996, ils arrivent à
46% lors du denier sondage.
Il faut toujours se méfier
des sondages surtout quand ils sont favorables à ce que l'on défend. Mais le
pourcentage de 1999, 52%, correspondaient exactement aux résultats des sondages
publiés les deux années précédentes par
L'évolution régulière des
réponses au cours des ans à la même question fait penser qu'il s'agit là d'une mouvement de fond qui, certes, n'est pas irréversible
mais n'est pas dû à une poussée aiguë, émotionnelle dont témoignent
probablement les résultats de 2001.
Et
dans les pays de l'Union européenne ?
Tableau
- Les étrangers des pays de l'Union européenne résidant en… ont le droit de
vote aux élections européennes. Personnellement, seriez-vous très favorable,
assez favorable, asse opposé ou très opposé à l'extension du droit de vote pour
les élections européennes aux résidents
étrangers non membres de l'Union européenne résidant en… ?
|
Très
favorable |
Assez
favorable |
Total |
Assez
opposé |
Très
opposé |
Total |
NSPP |
Total |
Allemagne |
10 |
32 |
42 |
36 |
17 |
53 |
5 |
100 |
Autriche |
7 |
21 |
28 |
31 |
32 |
63 |
9 |
100 |
Belgique |
17 |
26 |
43 |
19 |
21 |
40 |
17 |
100 |
Danemark |
4 |
11 |
15 |
25 |
46 |
71 |
14 |
100 |
Espagne |
30 |
32 |
62 |
13 |
18 |
31 |
7 |
100 |
Finlande |
15 |
32 |
47 |
21 |
25 |
46 |
7 |
100 |
France |
12 |
33 |
45 |
28 |
23 |
51 |
4 |
100 |
Grèce |
11 |
15 |
26 |
16 |
33 |
49 |
25 |
100 |
Irlande |
6 |
33 |
39 |
19 |
19 |
38 |
23 |
100 |
Italie |
17 |
38 |
55 |
20 |
18 |
38 |
7 |
100 |
Luxembourg |
24 |
21 |
45 |
19 |
31 |
50 |
5 |
100 |
Pays-Bas |
19 |
25 |
44 |
18 |
20 |
38 |
18 |
100 |
Portugal |
17 |
42 |
59 |
18 |
8 |
26 |
15 |
100 |
Royaume-Uni |
5 |
22 |
27 |
31 |
31 |
62 |
11 |
100 |
Suède |
24 |
24 |
48 |
14 |
30 |
44 |
8 |
100 |
L'examen des résultats montre que 8
pays ont une majorité absolue ou relative favorable et 7 une majorité relative
ou absolue opposée. En pondérant en fonction du poids démographique des pays,
on peut dire qu'une faible majorité (43,8 favorables, 47,7 opposés, 8,5 NSPP
soit environ 52,2% contre 47,8%) de la population européenne se déclare opposée
au droit de vote des ressortissants des Etats tiers pour les élections européennes. Qu'une minorité aussi
importante soit favorable est un résultat très encourageant si l'on tient
compte du fait que nul, dans aucun pays à notre connaissance, en dehors de
notre petite voix, n'a fait de campagne en ce sens. Cela témoigne de
l'ouverture spontanée de la population à des évolutions positives.
Parmi les politiques, malheureusement, les choses
sont bien différentes en dehors des parlementaires européens qui se sont
prononcés pour le droit de vote et d'éligibilité de tous les résidents aussi
bien aux élections municipales qu'aux élections européennes sans beaucoup
d'écho ni dans la presse, ni dans les milieux politiques..
L'étude
pays par pays est surprenante au premier abord : les pays nordiques qui ont, les
premiers, donné le droit de vote aux élections locales à leurs résidents
étrangers, ne sont pas les plus favorables dans le sondage. Ce sont au contraire
les Espagnols, les Portugais, les
Italiens.
En France, 45% de
favorables pour 51% d'opposés. Ces résultats peuvent être comparés avec prudence aux résultats des
autres sondages de
En regardant plus en détail ces
résultats, des constantes peuvent être retrouvées à travers les différents pays
de l'Union : les jeunes sont toujours très majoritairement favorables au
contraire de leurs aînés, les femmes le sont plus souvent que les hommes ainsi
que les urbains et les diplômés. De tels chiffres devraient ouvrir les yeux des
politiques et des commentateurs.
Tous résidents, tous citoyens !
Il
est souvent affirmé que, en France, la citoyenneté est attachée à la
nationalité. Ce n'est pas une exception. Seul
Dans
les pays qui ont ouvert le droit de vote pour les élections municipales ou
locales, ces élections ne sont pas considérées comme politiques mais comme
administratives. Le maire est quelquefois désigné et non élu. En tout cas, ces
élus ne participent pas à l'élection de
Quoi
qu'il en soit des non-nationaux participent par
scrutin indirect - en élisant les Conseils municipaux, ils élisent des Grands
électeurs - à l'élection des sénateurs. Même s'ils ne peuvent exercer ces
fonctions.
Mais
le Conseil constitutionnel n'a pas jugé nécessaire de changer
Si
la citoyenneté est aussi fortement liée à la nationalité, cela tient
probablement au fait que la nationalité a précédé la citoyenneté et a permis
son épanouissement, justement dans un cadre national. De même que la nation a
été le lieu de l'invention de la solidarité même si, de plus en plus, elle
s'exerce au profit de tous les habitants quelle que soit leur nationalité. Le
travail, la nationalité, la résidence sont des critères d'effectivité des
droits. Et la résidence prend de plus en plus de place. Depuis le droit au
séjour qui peut être attribué à un sans papier après 10 ans de présence
irrégulière sur le territoire, jusqu'à la nationalité qui peut être obtenue
après 5 ans de présence légale. Mais sans la nationalité, la citoyenneté ne
peut être obtenue quelle que soit la durée du séjour.
La
nationalité n'a pas toujours donné droit à la citoyenneté. Les Françaises ont
attendu un siècle pour l'obtenir. En Algérie, juifs et musulmans étaient des
nationaux qui avaient même le droit de verser leur sang sans être des citoyens.
Jusqu'au décret Crémieux pour les premiers qui leur a donné la pleine
citoyenneté, remise en question par le régime du maréchal Pétain.
Inversement semble-t-il,
Il est par ailleurs étonnant qu'il
suffise d'une loi pour attribuer la nationalité et qu'il faille changer
Ce lien nationalité-citoyenneté
prend sa force dans l'idée que la nationalité est une notion
"essentielle". Pourtant, elle dépend d'une loi banale. Qui peut être
changée par une majorité simple à l'Assemblée nationale. Qui varie d'un pays à
l'autre. Ainsi, il y avait en France, au recensement de 1999, 3,6 millions
d'étrangers. Hervé le Bras fait remarquer qu'avec la législation des
Etats-Unis, ils seraient 600 000 en moins. Avec la législation de certains
Etats d'Amérique du sud, ils ne seraient que 600 000. On peut ajouter qu'avec
celle de l'Allemagne ou de
Les notions de nationalité et de citoyenneté ne répondent pas aux mêmes questions. La nationalité répond à la question "Qui suis-je ?" La citoyenneté à la question "Que faisons-nous ensemble avec nos multiples appartenances et dans notre diversité ?"
L'UE prétend se construire suivant les principes
contenus dans
Dans les différents Etats
européens, la législation évolue vers l'égalité de tous les résidents quelle
que soit leur nationalité même si, ces derniers temps, des législations mises
en place s'écartent de cette tendance. Des droits qui, hier, étaient réservés
aux seuls nationaux sont attribués aujourd'hui à tous les résidents : droits
syndicaux, sociaux, culturels, cultuels et aussi certains droits politiques. Il
en est de même dans le cadre de la législation de l'Union.
Le
traitement inégal de résidents, non en fonction de leurs qualités personnelles,
durée de résidence, degré d'intégration… mais seulement en fonction de leur
nationalité, paraît très critiquable au regard des principes de l'Union.
S'agissant de droits politiques, l'article 12-1 de
Il
n'y a pas une nationalité européenne. Si la personne n'a pas la nationalité
d'un Etat membre, elle ne peut obtenir la citoyenneté de l'UE. Pourquoi ne
serait-il pas possible d'obtenir la citoyenneté de l'Union par l'adhésion aux
principes démocratiques sans passer par la nationalité d'un Etat membre ? Pour
cela, il faudrait que la résidence soit au même titre que la nationalité un
critère d'attribution de la citoyenneté de l'Union.
Quelle
que soit leur nationalité, les personnes qui vivent sur le territoire européen,
dans leur diversité culturelle, doivent pouvoir définir les conditions du vivre
ensemble sans être obligées de faire référence à de mythiques ancêtres communs.
Ce qui est en jeu, c'est l'organisation de la vie sociale aujourd'hui et le
destin commun partagé. Déjà, le Parlement européen, le Comité économique et
social, de nombreuses ONG se sont prononcées en ce sens. L'Union a intérêt à
intégrer politiquement, aussi rapidement que possible, les populations qui
vivent sur son territoire sous peine de les voir chercher ailleurs une dignité
qui leur aura été refusée ici.
L'Union
ne peut se proclamer démocratique, avancer vers l'élargissement extérieur en
oubliant l'élargissement vers l'intérieur et laisser sur le bord du chemin 15 à
20 millions de ressortissants des Etats
tiers.