La nationalité est un statut juridique. Avoir la nationalité française, par filiation ou par acquisition, ne préjuge en rien des sentiments ou de la loyauté. On l’a bien vu aux moments difficiles comme lors de l’Occupation où ceux dont « les noms étaient difficiles à prononcer » ont payé leur part…
Quand une personne acquiert la nationalité française, cela veut dire qu’elle est là depuis 5 ans au moins, n’a commis aucun délit grave et a fait une demande de naturalisation qui a été acceptée. Cette personne a le droit de voter lors des différentes élections politiques et non l’obligation de le faire. Cela ne veut pas dire qu’elle le fera ou qu’elle a l’intention de le faire. On pourrait tout aussi bien donner le droit de vote dans des conditions similaires à toute personne qui en ferait la demande sans qu’elle soit obligée de prendre la nationalité.
On peut se demander pourquoi une personne qui demande le droit de vote, ne demande pas la nationalité française ?
D’autant que la France accepte la double
nationalité : on peut donc acquérir la nationalité française tout en
conservant sa nationalité antérieure. Mais, le pays d’origine peut refuser
cette double nationalité. Ce qui pose divers problèmes.
Quand une personne quitte son pays, c’est très souvent
avec l’espoir de revenir. Prendre la nationalité du pays de résidence,
c’est reconnaître le coté impossible du retour. Alors que la plupart des
départs sont pour une période temporaire qui devient de plus en plus
définitive, la naturalisation certifie l’échec du
« temporaire ».
Des raisons sentimentales peuvent empêcher de demander la
naturalisation : rupture avec le pays, les amis, la famille… Cette
« rupture définitive » est accentuée quand la « double
nationalité » est impossible alors que la personne se sent
« citoyenne des deux rives ».
Certains demandent la nationalité parce qu’ils ont rompu toute attache avec le pays d’origine, d’autres parce qu’ils se sentent désormais d’ici et aussi quelquefois d’ici et de là-bas ou même par simple utilité. La naturalisation (même si elle peut faire croire à un changement de nature) n’empêche pas la personne de garder son imprégnation culturelle. Elle ne témoigne même pas de la volonté de participation à la vie de la cité. Ce qui serait le cas, en cas de demande de citoyenneté qui pourrait se traduire par l’inscription sur les listes électorales.
Le droit de vote qui pourrait être reconnu à toute personne qui le demande après un certain temps de présence est dans l’évolution logique du droit : de plus en plus, des droits qui étaient, autrefois, attachés à la nationalité, sont maintenant reconnus à toute personne qui réside sur le territoire : droit d’association, droit d’être membre d’un parti politique ou même de sa direction (les partis politiques ne sont que des associations), droit de manifestation, droits sociaux, droits syndicaux… Le droit de vote ne ferait que reconnaître le droit de participer à l’élaboration des décisions que toutes les personnes qui résident sur le territoire doivent respecter et appliquer.
Il n’y a pas de devoirs que les étrangers ne partagent pas avec les nationaux. Leur reconnaître les mêmes droits serait affirmer la volonté de les inclure dans la société nationale à laquelle ils participent déjà largement par leur travail, leurs activités associatives, sociales, syndicales, politiques… Nul n’a intérêt à augmenter le nombre de personnes qui se sentent, à tort ou à raison, exclues du débat.
L’ouverture du droit de vote à 2 ou 3% de la population ne modifierait pas grandement les équilibres politiques. L’attribution du droit de vote aux élections municipales et européennes aux citoyens de l’UE, est passée complètement inaperçue. Et on est loin de la multiplication par deux du corps électoral en 1944 avec l’extension du suffrage universel aux femmes.
Mais cela changerait profondément les sentiments des résidents étrangers. Cela ferait rentrer la France dans le groupe des pays qui mettent en application, sur leur territoire, les droits de l’Homme.
Paul ORIOL