DROIT DE VOTE POUR TOUS LES RESIDENTS
Les élections municipales
viennent d’avoir lieu. Comme en 2001, les citoyens de l’Union européenne (UE)
qui n’ont pas la nationalité française ont pu y participer, ceux qui ont la
nationalité d’un pays qui n’appartient pas à l’UE en ont été, encore une fois,
exclus, quelle que soit la durée de résidence en France ou le degré
d’intégration des uns ou des autres. L’année prochaine, en juin 2009, auront
lieu les élections européennes dans les mêmes conditions : ouvertes ou
fermées en fonction, non de qualités des personnes mais de leur appartenance
nationale !
Une discrimination institutionnelle
A une époque où il est
souvent question de lutte contre les discriminations à l’échelle aussi bien nationale
qu’européenne, il y a là une discrimination institutionnelle, évidente aux yeux
de tous, facile à mesurer, et qui peut être levée en attribuant la citoyenneté de
l’UE à tous les résidents, quelle que soit leur nationalité. Le mouvement
associatif en portant cette revendication dans l’espace public européen, qui
n’existe pratiquement pas actuellement, contribuerait à faire progresser l’UE
vers plus de démocratie… Rêvons : « les
associations de l’UE, issues de l’immigration, lancent une campagne pour
améliorer la démocratie en reconnaissant la citoyenneté européenne à tous les
résidents quelle que soit leur nationalité ». Un tel mouvement
donnerait une image positive, offensive de ces associations.
Nationalité-citoyenneté
L’attribution de la
citoyenneté de l’UE à tous les résidents serait un pas de plus dans la « déliaison » nationalité-citoyenneté
qui a été entamée, de façon ambiguë, par le traité de Maastricht. En effet, le
traité donne le droit aux Allemands, Italiens, Polonais… qui vivent en France, de
participer aux élections municipales et européennes. Mais si ce droit n’est plus
réservé aux seuls nationaux français, il reste attaché à certaines nationalités
définies par les traités. Pour faire disparaître cette discrimination en
fonction de la nationalité, cette préférence européenne, il faut rattacher la
citoyenneté à la résidence et traiter de la même façon tous les étrangers
quelle que soit leur nationalité.
Le lien nationalité-citoyenneté
est considéré par beaucoup comme universel. Pourtant, l’étude de 192 Etats membres
de l’Onu permet de constater que des étrangers peuvent voter à certaines
élections politiques dans 64 pays, soit 1 sur 3 et environ 1 sur 2 pour les pays
considérés comme démocratiques (dont
Souveraineté nationale ou souveraineté populaire
En France, un argument
souvent avancé pour justifier le refus de faire participer les résidents
étrangers aux élections, ne serait-ce que municipales, est l’atteinte à la
souveraineté nationale. Il est vrai que participer aux élections municipales,
cela veut dire élire, de façon indirecte, les sénateurs qui ont un rôle important
dans la définition de la politique nationale. Mais, désormais, des étrangers
membres de l’UE participent à l’élection indirecte des sénateurs. Des
étrangers, citoyens de l‘UE, peuvent même représenter
Les 64 pays qui ont ouvert
leurs scrutins locaux ou parmi eux les 25 pays qui ont ouvert leurs scrutins
nationaux ont-ils bradé leur souveraineté nationale ? Le Royaume-Uni qui a
attribué le droit de vote à tous les ressortissants du Commonwealth vivant sur
son territoire (53 nationalités) a-t-il abandonné sa souveraineté
nationale ? Une législation équivalente en France donnerait le droit de
vote à toutes les élections aux ressortissants du Viêt-Nam à
Que 50% environ des valeurs
du Cac 40 appartiennent à des capitaux étrangers ne constitue pas une atteinte
à la souveraineté nationale. Mais donner le droit de vote à des résidents
étrangers, ne serait-ce qu’aux municipales, est insupportable ! Ce serait pourtant
un pas de plus vers la souveraineté du peuple, vers un suffrage réellement
universel.
Réciprocité
Le droit de vote des
citoyens de l’UE à certaines élections est justifiée aux yeux de certains par
le principe de réciprocité : en effet, les droits attribués aux citoyens
de l’UE résidant en France sont les mêmes que ceux attribués aux Français
résidant dans les autres pays de l’UE. Mais le droit
de vote est reconnu aux Français vivant à l’étranger dans un nombre important
de pays sur tout ou partie de leur territoire. Aucun parlementaire français, partisan
de la réciprocité, n’a, à ce jour, déposé une proposition de loi pour attribuer
le droit de vote aux ressortissants de ces pays. Ce qui montre bien qu’il
s’agit là d’un argument de circonstance. Les pays de l’UE qui ont la
possibilité constitutionnelle d’établir de telles conventions ne le font
qu’avec parcimonie : l’Espagne a établi une convention, seulement, avec
A la lecture du tableau, il
apparaît que les Français peuvent voter aux élections municipales dans 23 pays,
hors UE, sur tout le territoire de ces pays ou seulement dans certaines
circonscriptions. Mais, le droit de vote est aussi ouvert lors des élections
nationales aux Français dans 4 pays et Hong-Kong. Par ailleurs, les Français
ont pu participer, comme tous les autres résidents étrangers, aux référendums
organisés en Suède sur l’adoption ou le rejet du nucléaire en 1980 et de l’euro
en 2003 et en Ecosse, au référendum sur la dévolution en 1997. Au total,
des Français ont pu participer à des élections politiques dans 26 pays en
dehors de l’UE.
Si la revendication du droit
de vote pour tous est juste, si la discrimination entre étrangers en fonction
de leur nationalité est contraire au principe d’égalité si souvent proclamé au
niveau national comme au niveau européen, reste à faire aboutir cette
revendication.
Encore un effort…
Dans les semaines et les
mois qui viennent, des mobilisations sont possibles. Il y aura en juin 2009,
les élections européennes. C’est l’occasion de porter la questions au niveau
européen pour obtenir que la citoyenneté de l’UE soit ouverte à tous les
résidents quelle que soit leur nationalité. Le Comité économique et social
européen a pris position en ce sens, de même que le Parlement européen seule
instance européenne élu directement pas les peuples de l‘Union. Il reste à
convaincre les chefs d’Etat et de gouvernement…
En France, si lors des
dernières municipales un pas en avant a été fait au niveau des candidatures des
personnes issues d’Afrique, d’Asie, la question du droit de vote des résidents
étrangers n’a pas émergé. Une mobilisation importante de tous doit avoir lieu lors
de la prochaine opération « votation citoyenne » pour le droit de
vote de tous les étrangers aux élections locales. Cette opération a déjà été
organisée en 2002, 30 000 personnes y ont participé et 60 000 en
2005, 80 000 en 2006. La prochaine aura lieu en mai 2008, il faut espérer
qu’elle sera encore plus importante. Non pour convaincre la population qui est
déjà convaincue comme le montrent les différents sondages, notamment ceux
commandés par
Tableau : Pays où les
Français ont le droit de vote sur tout ou partie du territoire à certaines
élections politiques.
Continent |
Elections locales |
Autres élections |
EUROPE |
Islande, Norvège, Suisse
(dans certains cantons ou communes) |
Norvège (élections
intermédiaires), |
AMERIQUE DU NORD ET
CENTRALE |
République dominicaine,
Etats-Unis (quelques communes) |
|
AMERIQUE DU SUD |
Argentine (quelques
provinces), Bolivie, Chili, Colombie, Paraguay, Pérou, Uruguay |
Chili (élections
nationales, après 5 ans de présence), Uruguay (15 ans), Venezuela (Etats, 10
ans) |
AFRIQUE |
|
|
ASIE |
Israël (Jérusalem Est),
Corée du Sud, Hong-Kong |
Hong-Kong (nationales) |
OCEANIE |
Australie (3 Etats sur 8),
Nouvelle-Zélande |
Nouvelle-Zélande
(nationales après 1 an, non éligibles) |
1 - http://www.lettredelacitoyennete.org/lettre.htm
Pour en savoir plus : ANDRES, HERVE, Le droit de vote des étrangers, état des lieux et fondements théoriques, Doctorat de sciences juridiques et politiques, Spécialité de philosophie politique Université Paris VII - Denis Diderot, 2007, http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00130445ANDRES, 00130445
PasseMuraille Publication des Tunisiens pour une citoyenneté des deux Rives Nouvelle série 5-6 Juin 2008