DIVERSITE ET REPRESENTATION DANS LES
INSTITUTIONS POLITIQUES EN France
La question de la
représentation de la diversité française au niveau politique est posée,
essentiellement à travers 3 revendications : le droit de vote des étrangers et notamment des non communautaires,
la représentation des « Français
d’origine étrangère », la
parité hommes-femmes. Ces 3 revendications font
rarement leur jonction et n’épuisent pas le sujet.
Le droit de vote :
Sur les 25 pays de l’UE, 15
ont une législation nationale plus avancée que
Ceci exclut de la
citoyenneté de l‘UE 15 à 20 millions de personnes qui vivent sur le territoire
de l’UE, qui ont les mêmes devoirs mais qui n’ont pas les mêmes droits parce qu’elles
n’ont pas la nationalité de l’un des Etats membres.
D’où la campagne « un
million de signatures pour une citoyenneté européenne de résidence »
qui demande une modification du critère d’attribution de la citoyenneté de l’UE
avec un nouvelle rédaction du traité de Maastricht et du projet de traité
constitutionnel qui pourrait être : « Toute personne ayant la
nationalité d’un Etat membre ou résidant
sur le territoire d’un Etat membre possède la citoyenneté de
l’Union ».
Ce serait un pas vers
l’égalité de tous, souvent proclamée depuis la déclaration des DHDC de 1789
jusqu’au projet de traité constitutionnel qui dit « L’UE est fondée sur
les valeurs de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité… »
(art.I-3) en passant par
Jusqu’ici, les campagnes ont
porté sur le droit de vote et d’éligibilité aux seules élections municipales ou
locales. La présente campagne se veut européenne. Elle avance la revendication d’une
citoyenneté de l’UE ouverte à tous les résidents avec droit de vote et
d’éligibilité aux élections municipales et européennes dans tous les pays de l’UE.
Quand une volonté politique
existe, bien des choses sont possibles. Le traité de Maastricht l’a montré.
Imaginez qu’en 1992 soit posée la question « Au bout de combien d’années
de résidence, un Allemand, un Italien… pourront-ils participer aux
élections ? » Nous aurions assisté à des disputes sans fin 3, 5, 10
ans ? Le traité de Maastricht a répondu tout simplement « dans les
mêmes conditions que les nationaux ». Peu auraient eu l’audace d’une telle
réponse !
Mais en reliant la
citoyenneté de l’UE à la nationalité de l’un des Etats membres, le Traité a
conduit à des incongruités : deux frères turcs s’installent l’un en
Belgique, l’autre en Allemagne. Ils s’intègrent parfaitement dans leur nouveau
pays. Le premier, après 7 ans de présence peut devenir belge par simple
déclaration. Le second, du fait d’une législation allemande plus restrictive,
ne peut devenir allemand. Mais son affaire prospère, il demande à son frère
belge, de venir l’aider. Celui-ci s’installe en Allemagne et d’origine turque
mais Belge donc citoyen de l’UE, peut participer aux élections municipales et
européennes alors qu’il ne parle pas allemand, ne connaît rien de la situation
politique en Allemagne. Son frère germanophone, intégré, pourra lui servir de
guide mais ne pourra voter !
Que s’est-il passé dans la nuit
du 30 avril au 1er mai 2004 ? Des milliers de personnes sont devenues
dignes de la citoyenneté européenne. Etaient-elles plus intégrées le 1er
mai que le 30 avril ? Qu’avaient-elles fait de particulier pour obtenir
cette subite dignité ? Rien. Leur pays a adhéré à l’UE.
Pour faire obstacle à
l’extension au droit de vote, certains avancent le principe de réciprocité qui
inspire le traité de Maastricht. Mais, nul parlementaire ne parle de
réciprocité pour les Norvégiens, les Chiliens, les Néo-Zélandais. Pourtant les
Français ont le droit de vote aux élections municipales en Norvège, à toutes
les élections au Chili, en Nouvelle-Zélande…
Après tout, les étrangers
n’ont qu’à devenir français. C’est si facile. Les demandes de naturalisations (données
de DPM de
Les choses ont bien changé concernant les années 1998 et 1999. L’origine
nationale n’est plus publiée !
Pour obtenir des données
plus récentes, une question écrite a été posée par une
parlementaire (Martine Billard) au ministre des Affaires sociales, du Travail
et de
Etre élu
Avoir le droit de vote et
d’éligibilité ne suffit pas. C’est mieux d‘être
élu. En France, il est illégitime de parler de l’origine des Français.
Cependant, par euphémisme et de façon paradoxale, on parle de Français
d’origine étrangère pour dire d’origine maghrébine ou noire africaine ou turque…
Il est, rarement, fait état de l’origine hongroise de Sarkozi,
cubaine de Stasi, italienne de Forni… exceptionnellement
de l’origine turque de Balladur. Qui peut dire combien de parlementaires sont
d’origine étrangère ? Et pourquoi parle-t-on si aisément de l’origine de Koffi Yamgnane, de Alima Boumedienne et non des
autres ?
Les citoyens de l’UE
Les femmes
Depuis des lustres, les femmes se battent pour l’égalité
des droits. Elles ont obtenu le droit de vote en 1944. Et en 2000, les
représentants du peuple, dans un élan digne de la nuit du 4 août, ont voté
massivement pour la parité. Quel en est le résultat concret ?
Dans les Conseils municipaux,
le pourcentage des femmes est passé de 22 en 1995 à 48 en 2001 mais seulement
de 8 à 11 quand il s’agit des maires. Au niveau régional, le taux d’élues augmente
aussi de 28 en 1998 à 48 en 2004, celui des vice-présidentes n’arrive qu’à 37
et il y a une seule présidente de région !
A l’Assemblée nationale, il
y avait 11% de femmes en 1997, il y en a 12% en 2002. Enorme progression !
Au Sénat, la progression est plus nette, de 11 à 17% !
Les
partis politiques ont préféré pedre des sommes
importantes plutôt que de faire leur place aux femmes : l’UMP n'a présenté que 20% de femmes et sera pour cela privé
de 4 millions d'euros chaque année pendant 5 ans, soit 16% du financement qu'il
perçoit. L'UDF, avec 20% de
candidates, perd 22% de son financement soit 582.000 euros. Et le PS 9%, soit 1.300.000 euros.
Aux
sénatoriales, les hommes ont inventé d’ingénieux stratagèmes pour se faire réélire
au mépris de l’esprit de la loi.
Les classes sociales
Il est inconvenant de parler,
aujourd’hui, de classes sociales mais
il n’est pas interdit de voir combien il y a d’ouvriers, d’employés, au Parlement.
Il suffit d’aller sur les sites de l’AN et du Sénat : 15 employés/ouvriers
sur 577 députés à l’AN (2,5%) et 10 employés/ouvriers au Sénat sur 331 (3%).
Sans commentaire.
Les partis politiques
Depuis 1981, le droit
d’association est total, sans restriction pour les étrangers. Les partis politiques sont des
associations. Aucun texte n’empêche un étranger d’y adhérer et même d’en être
président. Encore moins s’il s’agit d’un Français, fut-il « de
couleur ».
En 2000, d’après les
organigrammes de 10 partis, publiés sur internet, 17 "Maghrébins", 2
"Noirs africains" étaient membres des sphères dirigeantes sur un total
de 915 personnes soit 2,08%. En reprenant les données disponibles aujourd’hui
pour 7 de ces partis (certains ont disparu), la proportion de cadres d’origine
« allogène » n’a pas changé (1,6%). Même s’il y a des variations
diminution au PC et à l’UDF, augmentation chez les Verts et au PS.
Pour les partis politiques,
en 2000, les citoyens "d'origine maghrébine ou noire africaine" semblaient
avoir une compétence particulière pour "l'intégration" (4
attributions en comptant la "cohésion nationale"), la citoyenneté
(3)… mais peu pour les finances, l'économie ou les affaires étrangères.
Cadres d’origine africaine dans les partis en 2000 et
2004
Cadres de Partis |
Ma+noirs/Total 2000 |
% |
Ma+ noirs/Total 2004 |
% |
MNR |
0/100 |
0 |
1/323 |
0,3 |
FN |
1/119 |
0,8 |
1/120 |
0,8 |
Les Verts |
1/117 |
0,9 |
2/118 |
1,6 |
UDF |
1/100 |
1 |
0/43 |
0 |
UMP |
1/63 |
1,6 |
2/143 |
1,4 |
PS |
4/185 |
2,2 |
9/201 |
4,5 |
PC |
5/65 |
10,8 |
1/56 |
1,8 |
TOTAL |
13/791 |
1,6 |
16/1004 |
1,6 |
Quelques questions abordées ci-dessus
qui répondent pourtant à la question - Quel espace d’expression au sein des partis politiques pour les
citoyens français d’origines diverses ? - peuvent paraître à certains éloignées du sujet qui
les préoccupe. Pourtant, chacune des couches sociales discriminées a
intérêt à regarder à coté. Car cette exclusion est un phénomène fondamental de
la vie politique française même si, à chaque fois, elle est particulière. Elle
participe de l’autoreproduction, de la cooptation corporatiste du microcosme
politique.
Lors de la dernière élection présidentielle, le
candidat arrivé en tête au premier tour de l’élection, aujourd’hui président de
Les politiques devraient se
poser des questions et nous aussi. On entend souvent parler de « déficit
démocratique ». Les politiques mettront-ils un jour la main à la poche
pour combler ce déficit ? Ou se contenteront-ils
pour masquer leur défaillance de proposer de rendre le vote obligatoire ?
Trois remarques pour conclure :
1. La loi est peut-être nécessaire pour donner les droits.
Elle n’est pas suffisante.
2. Rien ne s’obtient sans combat. Il faut que ceux qui
s’estiment discriminés ne se contentent pas du constat et de la plainte mais
entrent dans les organisations politiques mais aussi syndicales et
associatives.
3. Les différentes catégories d’exclus doivent ne pas se
mettre en concurrence mais s’unir pour améliorer la représentation de la
population française dans sa diversité.
Aidons les politiques français à être
réellement démocrates.