Fondateur de la Lettre de la citoyenneté, Paul
Oriol regrette l’absence de volonté politique en la
matière.
Expert auprès du Comité économique et social
européen, Paul Oriol est l’un des animateurs de la campagne "
votation citoyenne " et du collectif Pour une citoyenneté de
résidence.
La loi française est tombée aux oubliettes. Que
faire ?
Paul Oriol. Il faudrait, semble-t-il, que le
Sénat refasse un texte et accepte de le discuter. La loi a été
abandonnée faute de volonté du gouvernement de gauche et de
celle des sénateurs socialistes, qui pouvaient, comme leurs
collègues communistes, MDC, alliés à la sénatrice des Verts,
signer la demande de mise à l’ordre du jour du projet de loi.
À eux tous, ils avaient le nombre de signataires suffisant.
Rien ne les empêchait d’affirmer ainsi leur volonté politique.
À droite, il existe, à l’UDF, un processus assez ancien, à
l’initiative de Jean-Louis Borloo et Gilles de Robien, avec un
texte se prononçant pour le droit de vote aux élections
municipales. Personne ne le sait et il n’en a été fait aucun
usage, ni à la présidentielle, ni ensuite. À l’UMP, Yves Jégo
a pris, l’an dernier, une position favorable. Nous devons
avoir des rencontres pour en discuter après le Forum social
européen.
Le potentiel d’une majorité de Français
favorables au droit de vote et d’éligibilité des étrangers non
communautaires est-il toujours là ?
Paul Oriol. D’après le dernier sondage, 57 % des
interrogés sont favorables au droit de vote des étrangers aux
élections municipales et européennes. Ils étaient 54 % en
2002, 52 % en 1999. Leur nombre avait fléchi après les
attentats de 2001, mais on voit que la progression a repris.
Nous avons organisé, en décembre dernier, une " votation
citoyenne " qui a déplacé 40 000 personnes sur un petit nombre
de sites. Actuellement, nous voulons utiliser le projet de
Constitution et les élections européennes, pour poser la
question de la citoyenneté européenne ouverte aux
résidents.
Cette question a-t-elle été prévue dans le
projet de Constitution préparé par Valéry Giscard
d’Estaing ?
Paul Oriol. Dans le projet, rien n’a changé
depuis Maastricht. Est citoyen de l’Union toute personne ayant
la nationalité de l’un des États membres. Nous demandons que
soit rajouté " ou résidant dans l’un des États membres ". Le
Comité économique et social européen l’a accepté, le Parlement
l’a voté, mais, proposée à la Convention sur l’avenir de
l’Europe, cette disposition n’est pas passée. Comme le projet
prévoit que, si un million de citoyens posent une question, la
Commission devra se pencher dessus, nous lançons donc " la
pétition du million pour la citoyenneté européenne de
résidence " (lire ci-dessous).
Pensez-vous que les débats italiens et belges
puissent influer sur les positions gouvernementales
françaises ?
Paul Oriol. Si les droites belges et européennes
sont capables de donner le droit de vote, pourquoi la droite
française ne le ferait-elle pas ? Je ne sais pas pourquoi
les politiques bloquent. Je pense même que l’UMP a une carte
phénoménale à jouer contre la gauche. Le président de la
République a nommé deux ministres d’origine maghrébine. Les
Maghrébins ou les Portugais sont, sociologiquement, de gauche,
mais, " sociétalement ", de droite. Ils sont majoritairement
ouvriers, mais ils sont, par les prégnances religieuses,
contre le pacs, contre l’avortement. Quand Yves Jégo se
prononce pour, cela veut dire que, pour la droite, l’accès à
la citoyenneté de résidence ne porte pas atteinte à la
souveraineté nationale. De même quand certains de ses amis se
prononcent pour le droit de vote au bout de dix ans. Ce qui
signifie que la référence à la souveraineté n’est en réalité
qu’un argument de circonstance.
Entretien réalisé par E.R.
Paul Oriol est l’auteur de Résidents étrangers,
citoyens ! Plaidoyer pour une citoyenneté européenne de
résidence, qui doit sortir bientôt chez Presse Pluriel (128
pages ; 10 euros, ou 12 euros avec port). Commandes à
passer à l’Aseca, 74, rue des Jacobins, BP 2709, 80027 Amiens
CEDEX.